C’est explicitement prévu par le Règlement Cosmétique 1223/2009 : la stabilité d’un produit cosmétique doit être assurée par son fabricant. Ce qui est moins évident, c’est la question suivante : par quel protocole et en s’appuyant sur quels textes ?
En effet, il n’existe pas de document officiel pour les définir…
Voyons un peu plus en détail ce qui se cache derrière tout ça…
Les stabilités /Compatibilités de mon produit cosmétique : un protocole obligatoire ?
L’annexe I du Règlement Cosmétique 1223/2009 liste les informations à réunir et notamment les choses suivantes :
- STABILITE => Partie A (point 2) : Caractéristiques physico-chimiques et stabilité du produit cosmétique dans des conditions de stockage raisonnablement prévisibles.
- COMPATIBILITE => Partie A (point 4) : Impuretés, traces, informations concernant le matériau d’emballage permettant de déterminer sa pureté et sa stabilité
Voilà pour ce qu’il faut faire, reste à savoir comment ?
Quels protocoles utiliser ?
La méthode utilisée pour déterminer la durabilité minimale du produit doit être décrite. On compile toutes les données disponibles dans le rapport sur la sécurité du produit. Afin de déterminer si l’étude de stabilité menée est cohérente, il est nécessaire de décrire précisément le protocole réalisé sur le produit.
De plus, il convient de fournir également les éléments suivants :
- La preuve que le produit utilisé pour les essais de stabilité correspond au produit mis sur le marché (même composition)
- Le résultat du challenge test s’il a eu lieu afin de vérifier l’efficacité du système conservateurs
- Si cela est pertinent, la durée d’utilisation après ouverture et sa justification
Le CSSC recommande de réaliser des essais de stabilité pertinents, adaptés au type de produit cosmétique et à son utilisation prévue. Il est également essentiel de s’assurer qu’aucun problème de stabilité n’est induit par le packaging final du produit cosmétique. En effet, le packaging peut directement affecter la stabilité du produit fini. Des interactions peuvent intervenir entre le produit, le packaging et l’environnement extérieur. Ainsi des essais de stabilité doivent être réalisés en deux temps :
- avec des conteneurs inertes (flacon en verre par exemple) pour s’assurer de la stabilité intrinsèque de la formule
- avec les conteneurs finaux destinés à être utilisés sur le marché pour s’assurer de la compatibilité de la formule avec l’emballage qui est en contact tout au long de la vie du produit cosmétique.
Que regarder alors et comment procéder pour le protocole?
Vu la variété et la complexité des formules et de leurs packagings, il n’existe pas de protocole unique applicable dans tous les cas de figure. Les paramètres appropriés de température et/ou de durée sont donc choisis en fonction de la catégorie du produit et du savoir-faire. Il faut également baser son protocole sur un jugement scientifique solide.
Pour déterminer un protocole de stabilité, il est alors important de garder à l’esprit qu’au fur et à mesure que le produit vieillit, ses propriétés sont susceptibles de changer.
Quelques critères communs sortent du lot et sont les suivants :
- Les critères organoleptiques (aspect, couleur, odeur)
- Le pH si la formule est aqueuse
- La viscosité
- Les changements de poids pour voir si le pack est étanche
- Les tests microbiologiques démontrant la capacité du produit à inhiber le développement microbien au cours d’un usage normal et d’autres tests spécifiques si nécessaires
- Les données analytiques en relation à d’autres paramètres pour les produits spécifiques (filtres UV, antioxydants, etc..).
Les autres conditions de stockage spécifiques qui peuvent s’appliquer sont :
- Simulation du cycle de vie utile pour déterminer la période après ouverture (PAO)
- Chocs thermiques qui fournissent des cycles faisant alterner des températures différentes
- Stabilité face à la lumière en utilisant des lampes Xénons sur les produits finis
- Suivi de la photostabilité des filtres UV chimiques
Les différents cas de figure en maquillage
Tout ceci s’avère donc très généraliste. Mais qu’en est il en réalité pour le monde du maquillage ? En effet, ce dernier a des structures très diverses et variées tantôt hydrophiles et tantôt anhydres !
La majorité des produits de maquillage peuvent se regrouper suivant les catégories suivantes :
- Les sticks type baume à lèvre, rouge à lèvres, fards à paupières coulés, etc…
- Les émulsions type fond de teint, concealer, etc…
- Les structures lipophiles type lipgloss ou mascara
- Les structures aqueuses type eyeliner liquide
- Les poudres
Comme expliqué précédemment, les galéniques étant tellement différentes d’un produit à l’autre qu’il est impossible d’établir le même suivi pour tous.
Ainsi, on essaie d’identifier au préalable les paramètres critiques susceptibles de dégrader le produit. Ces paramètres auront été mis en évidence lors de la conception et lors du développement.
A titre d’exemple, on va être beaucoup plus contraignant en termes de température sur le suivi de stabilité d’un rouge à lèvre que pour une poudre. En effet, le rouge à lèvres étant composé de cires, elles sont susceptibles de fondre ou du moins d’altérer les propriétés esthétiques du stick à haute température. A l’inverse, on va suivre de plus près l’influence de l’hygrométrie sur une poudre qui, elle, à plus tendance à capter les molécules d’eau suivant sa composition et donc à avoir des agglomérats, inesthétique pour le produit fini.
Si on formule un produit solaire, on vérifiera la stabilité à 50°C et on réalisera des chocs thermiques. En effet, sur la plage, le tube de crème solaire est souvent soumis à des variations brutales de température entre la sortie du sac de plage et son entreposage sur la serviette.
Enfin, on ne mesurera pas le pH dans un gel anhydre car il n’y a pas d’eau ni la viscosité dans un stick car celui-ci est rigide et n’a donc pas d’écoulement.
Un vrai casse-tête chinois…
On le voit, le problème n’est pas si simple et la référence unique et universelle manque ! Ainsi, tous les acteurs (marques et sous-traitants) sur le marché ont chacun expressément leur « protocole maison ». Le metteur sur le marché doit donc, dans sa sélection, lors du développement du produit, creuser sérieusement ce point car il est essentiel pour la suite à donner de son produit sur le marché.
Il vaut mieux sélectionner un acteur ayant des protocoles drastiques de stabilité/compatibilité sur plusieurs mois que quelqu’un qui ne préconise qu’un recul d’un mois pour mettre une formule sur le marché !
A bon entendeur, salut !